Pour des lendemains résilients, tout commence hier

Au centre de l’attention en cette année on ne peut plus chamboulée, le terme « résilience » a pris une place importante dans les discours institutionnels. Cette notion de reconstruction qui a d’abord été utilisée en physique pour définir la capacité d’un objet à retrouver son état initial après un choc ou une pression continue (Mathieu, 1991)[1]puis qui a été adoptée par la psychologie et popularisée par le neuropsychiatre Boris Cyrulnik pour nommer la capacité à vivre, à réussir, à se développer en dépit de l’adversité, a fini par atterrir dans le jargon des directions stratégiques et des ressources humaines[2].Cette année plus que d’autres, dans un contexte de crise sanitaire mondiale, il n’est pas surprenant que ce mot soit réapparu au grand jour. Cependant, la résilience est-elle un objectif en soi pour une organisation ? Ou plutôt une culture du dialogue, de la solidarité et de la flexibilité à consolider ou à mettre en place au sein de l’entreprise ? Qu’est-ce que cela implique ? Comment s’en inspirer pour conduire sa transformation ? Tant de questions qui nous trottent en tête depuis un moment et qui nous ont poussés à creuser le fond du sujet.

L’entreprise résiliente : mythes et réalité

Le terme a fait du bruit cette année et continu de résonner. Et pour cause, la crise du Covid-19, imprévisible et impensable il y a plusieurs mois de cela, a forcé les organisations à réagir, à s’adapter, à se réorganiser en un battement de cils pour pouvoir y faire face. Car comme plus d’une personne a pu l’affirmer au cours de ces derniers mois : il semblerait que l’entreprise qui sortira sereinement de la crise actuelle sera résiliente ou ne sera pas. Car oui, cette crise inattendue a demandé de nombreux efforts à tous les niveaux, de la réactivité en batterie, des solutions de court-terme en masse pour pouvoir se frayer un chemin vers demain et continuer à naviguer malgré les bourrasques. Tout cela exige beaucoup de patience et de… résilience.


Sous cet angle-ci, derrière cette idée de « résilience » organisationnelle se nichent les contours d’une culture de l’agilité à activer. Parce que pour qu’une entreprise soit résiliente, elle doit avoir la capacité de se réinventer, de simplifier ses procédés, d’opérer des ajustements d’échelle, de valoriser les compétences et la diversité des collaborateurs et d’embarquer les salariés vers une culture puissante. La liste des leviers de résilience peut être longue[3] et nous y reviendrons. Mais, ce qui a dans un premier temps retenu notre attention à travers l’idée d’« entreprise résiliente », c’est ce qu’elle met en lumière : la stabilité absolue est encore aujourd’hui le modèle conventionnel inscrit dans l’imaginaire collectif, et en parallèle de celui-ci, un modèle plus flexible se développe.

À l’heure actuelle et depuis toujours, toute organisation, a dû, doit ou devra faire face à des événements internes ou externes inopinés, qu’ils soient bénéfiques ou néfastes pour elle. Qui plus est, les organisations sont des organismes mouvants, humains par nature, et ancrés dans un certain contexte. L’évolution est constante. Ainsi, crise à part, lorsque l’on s’interroge sur l’idée d’une organisation résiliente, il nous semble qu’il s’agisse dans un premier temps non pas d’une organisation qui ne cesse de changer au gré des obstacles qu’elle rencontre, mais plutôt d’une organisation qui s’est affranchie du mythe de la linéarité.

Cela étant dit, observer le monde en mouvement suffit-il ? Tout le monde peut-il être résilient ? « Qui a les moyens de la résilience ? » titrait une émission de France Culture récemment[4] , visant dans le mille.

Résilience à tout prix, chocs à tout va

Si la résilience organisationnelle est le mot d’ordre du moment et bien que son idée réconforte, il nous semble important de le prendre avec des pincettes ou plutôt de l’observer dans son contexte. D’un côté, qui dit résilience, dit chocs quelles que soient leurs tailles : une crise sanitaire, une catastrophe naturelle, des accidents graves, un rachat de filiale, une fermeture de site, un climat social chahuté, une crise de confiance en interne ou encore une conjoncture inattendue  ; et par définition, les chocs sont plus ou moins violents. Encaisser des chocs et manager des crises ne sont pas chose anodine. L’injonction « quand on veut, on peut » n’est pas tout à fait vraie. Analysé avec brio dans un article de France Culture[5], cet adage populaire a autant la faculté de rassurer que d’atténuer la question des responsabilités et d’agrandir en trompe-l’œil le champ des possibles. Plus encore, l’expression peut parfois éclipser les défis concrets rencontrés en des temps incertains tels que la mobilisation et la rétention des talents, les réactions imprévisibles du marché, la réorganisation de la chaîne de valeur et ses conséquences sur l’entreprise, la nécessité de former rapidement les salariés aux nouveaux outils, la gestion de la transformation technologique ou encore la mise en place de nouveaux modes de travail. En effet, les efforts fournis par les directions générales, les DRH, les managers et les salariés pour se renouveler en temps mouvementés sont considérables et doivent être exposés. Observer, analyser et reconnaître les tribulations rencontrées, créer des espaces de dialogue et présenter les plans d’action pressentis à l’ensemble des parties prenantes et les accompagner nous paraissent être des mesures essentielles pour garantir la diffusion d’une culture de l’adaptation et assurer une transformation pérenne. Ainsi, le premier écueil à éviter lorsqu’on évoque la résilience organisationnelle nous semble-t-il être celui de normaliser les difficultés rencontrées en temps de crise. À bord de l’entreprise comme à bord d’un bateau, bas creux et hauts sommets des vagues peuvent être rencontrés. L’important est de reconnaître les signaux, d’identifier les bons repères et d’apprendre à naviguer.

D’un côté, qui dit résilience, dit chocs quelles que soient leurs tailles : une crise sanitaire, une catastrophe naturelle, des accidents graves, un rachat de filiale, une fermeture de site, un climat social chahuté, une crise de confiance en interne ou encore une conjoncture inattendue  ; et par définition, les chocs sont plus ou moins violents. Encaisser des chocs et manager des crises ne sont pas chose anodine. L’injonction « quand on veut, on peut » n’est pas tout à fait vraie. Analysé avec brio dans un article de France Culture[5], cet adage populaire a autant la faculté de rassurer que d’atténuer la question des responsabilités et d’agrandir en trompe-l’œil le champ des possibles. Plus encore, l’expression peut parfois éclipser les défis concrets rencontrés en des temps incertains tels que la mobilisation et la rétention des talents, les réactions imprévisibles du marché, la réorganisation de la chaîne de valeur et ses conséquences sur l’entreprise, la nécessité de former rapidement les salariés aux nouveaux outils, la gestion de la transformation technologique ou encore la mise en place de nouveaux modes de travail. En effet, les efforts fournis par les directions générales, les DRH, les managers et les salariés pour se renouveler en temps mouvementés sont considérables et doivent être exposés. Observer, analyser et reconnaître les tribulations rencontrées, créer des espaces de dialogue et présenter les plans d’action pressentis à l’ensemble des parties prenantes et les accompagner nous paraissent être des mesures essentielles pour garantir la diffusion d’une culture de l’adaptation et assurer une transformation pérenne. Ainsi, le premier écueil à éviter lorsqu’on évoque la résilience organisationnelle nous semble-t-il être celui de normaliser les difficultés rencontrées en temps de crise. À bord de l’entreprise comme à bord d’un bateau, bas creux et hauts sommets des vagues peuvent être rencontrés. L’important est de reconnaître les signaux, d’identifier les bons repères et d’apprendre à naviguer.

D’un autre côté, qui dit résilience, dit aussi responsabilité ; et la résilience n’est pas une affaire individuelle. Les figures de leadership ont une responsabilité décuplée et leur rôle est primordial, car aspirer à la résilience organisationnelle n’est pas qu’une question de volonté : il faut partager les mêmes valeurs et nourrir une vision collective. Ici les leaders, ont les moyens d’agir, de donner une direction, d’instaurer la confiance à travers un maximum de transparence, d’inspirer la solidarité, de valoriser les intérêts de l’ensemble des parties prenantes et de responsabiliser les équipes au passage. Pour aller vers un modèle d’organisation résiliente, les managers doivent se donner et donner les moyens d’être résilients.

En somme, les DRH comme les managers sont indispensables pour naviguer par avis de tempête comme par jour de beau temps. Résilience, responsabilité, responsabilisation, transparence et culture vont donc de pair. Que reste-t-il à enclencher pour réussir son virage ? Quelles leçons peut-on tirer de cette année ?

Les crises ne révèlent rien, mais nous apprennent beaucoup

Si le choc de la pandémie actuelle a été brutal pour toutes les organisations, pour certaines, il a pu être plus simple à sillonner. En effet, bien que cette crise en particulier n’ait rien révélé de nouveau et n’ait pas été la cause première de nouvelles manières de faire, elle aura néanmoins pu mettre en lumière des tendances et les accélérer.

La résilience organisationnelle ne naît pas en une nuit. Elle est le fruit de nombreuses décisions internes, de valeurs incarnées et de dialogues structurés. La preuve en est : certains modèles d’entreprise plus que d’autres ont su créer un environnement propice pour absorber l’imprévu. L’organisation apprenante par exemple, celle qui considère les échecs et les succès en tant qu’expériences d’apprentissage positives est un bon exemple, comme l’ont surligné Richard Farson & Ralph Keyes dans un article datant de 2002[6] toujours d’actualité. La société d’assurance MAIF en est un bon exemple. Son modèle singulier d’assureur mutualiste développé depuis plus de 85 ans, son statut d’entreprise à mission affirmé et ses espaces d’expérimentations multiples –le MAIF Social Club comme le MAIF Start Up Club– sont les preuves d’un terrain de résilience travaillé. Son président, Dominique Mahé, atteste d’ailleurs que : « Dans un monde mouvant, il faut valoriser les idées nouvelles, en se donnant les moyens de les tester. Ayons l’audace d’expérimenter, avec un esprit ouvert, innovant et créatif ! »[7] ou encore « Nous sommes convaincus que seule une attention sincère portée à l’autre et au monde permet de garantir un réel mieux commun, nous, MAIF, plaçons cette attention au cœur de chacun de nos engagements et de chacune de nos actions »[8].

Cela nous amène à soutenir que pour rebondir quand cela est nécessaire, pour avancer avec les bons réflexes, pour consolider un projet collectif, il n’existe rien de tel que de créer le cadre pour. En concevant des espaces de dialogue, en favorisant les partages d’expérience et la recherche, en valorisant les compétences et leur développement, en fluidifiant les procédés, en incorporant le digital là où il faut, les organisations mettent en place une dynamique de résilience[9] qui fortifie leurs aptitudes à surmonter les inconnus et à déployer les réponses organisationnelles adaptées. Loin d’être un but en soi ou un adjectif qualificatif affirmé, la résilience serait ainsi une culture qui infuse l’ensemble de l’organisation. L’organisation résiliente est donc certes une organisation qui a dépassé le mythe de la fixité mais elle est surtout une organisation réflexive qui prend soin de ce qu’elle construit dans la durée.

De ces faits, la résilience organisationnelle est à la fois une routine à prendre impulsée par les directions générales et DRH, une volonté affichée de s’améliorer constamment, une invitation à l’humilité et à la valorisation du collectif au sein de l’entreprise. Elle n’est ni une réponse à apporter à un instant T, ni une formule magique pour pallier les crises, mais bien une dynamique à mettre en place dès maintenant –si cela n’est pas déjà fait.


[1] Mathieu J.-P., Dictionnaire de physique, Paris, Masson, 1991, cité in André Dauphiné & Damienne Provitolo, Op.cit

[2] Qui a les moyens d’être résilient ? Émission Le Temps du Débat par Emmanuel Laurentin sur France Culture.

[3] Séverin Legras, Cinq leviers pour construire une entreprise résiliente, Tribune, Les Échos, 13/01/2020.

[4] Qui a les moyens d’être résilient ? Émission Le Temps du Débat par Emmanuel Laurentin sur France Culture.

[5] Chloé Leprince, Résilience par temps de pandémie : la politique de la prime aux super-héros ?, France Culture 31/03/2020.

[6] Richard Farson et Ralph Keyes, The Failure-Tolerant Leader, Harvard Business Review, Août 2002.

[7] Maif Social Club, Concept, www.maifsocialclub.fr/concept

[8] MAIF, www.entreprise.maif.fr/entreprise/etre-societe-a-mission

[9] Altintas Gulsun, La capacité dynamique de résilience : l’aptitude à faire face aux événements perturbateurs du macro-environnement, Management & Avenir, 2020/1 (N° 115), p. 113-133.

Sources :


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